Dans quelles circonstances peut-on parler de harcèlement en matière de logement ?
On répond à cette question et on vous présente des exemples concrets.
Voici la liste des sujets abordés :
Définition
La Loi prévoit ce qui suit à propos du harcèlement envers un locataire :
Le locateur ou toute autre personne ne peut user de harcèlement envers un locataire de manière à restreindre son droit à la jouissance paisible des lieux ou à obtenir qu’il quitte le logement.
Le locataire, s’il est harcelé, peut demander que le locateur ou toute autre personne qui a usé de harcèlement soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.
Article 1902 du Code civil du Québec
Le Tribunal administratif du logement définit le harcèlement en matière de logement, de manière suivante :
Le harcèlement est un comportement volontaire, généralement répété et continu, d’un locateur ou son représentant ou toute autre personne, se manifestant par des paroles, des actes ou des gestes à caractère vexatoire, méprisant ou intimidant à l’encontre d’un locataire, ses proches ou ses biens en vue de restreindre sa jouissance paisible des lieux ou qu’il quitte le logement.
Le harcèlement s’exprime donc généralement par une série d’actions malicieuses, habituellement étalées dans le temps qui, analysées objectivement, ont été posées sans justification autre que provoquer le départ d’un locataire ou diminuer considérablement sa jouissance des lieux.
DP inc. c. Chuiko
Critères
Par ailleurs, dix (10) critères ont été établis afin de démontrer qu’on est en présence d’une situation de harcèlement en matière le logement, les voici :
1. le locataire doit mettre son locateur en demeure avant d’agir |
2. le locataire doit minimiser ses dommages |
3. un conflit n’est pas synonyme de harcèlement |
4. le harcèlement doit s’évaluer objectivement et non subjectivement |
5. le harcèlement implique une intention, un objectif ou un but ultime |
6. le harcèlement doit s’inscrire dans un contexte global |
7. le harcèlement doit comporter un certain degré de gravité |
8. le harcèlement implique un comportement continu ou répété |
9. le harcèlement est généralement un comportement à sens unique |
10. on ne peut douter du harcèlement |
À partir de ces critères, le locataire qui souhaite obtenir des dommages doit faire la preuve de ce qui suit :
- Il doit démontrer que son locateur fut mis en demeure avant qu’il n’exerce son recours
- Il doit prouver l’existence d’une forme de harcèlement de la part de son locateur et/ou de son représentant. Le locataire devra donc démontrer que les faits reprochés sont probables. La preuve doit obligatoirement avoir un certain degré de certitude et de précision approchant la probabilité et non reposer sur des conjectures, des doutes, des hypothèses, des possibilités, des suspicions ou des suppositions
- Le harcèlement est généralement établi et prouvé par des faits bien qu’il ne soit pas interdit de l’établir par des présomptions
- Il doit démontrer le caractère de continuité et/ou de répétition du harcèlement et établir que celui-ci est réel, sérieux et significatif et que ses conséquences ne sont pas négligeables
- Le locataire devra également prouver que le comportement harcelant du locateur l’a affecté de façon importante. En effet, le harcèlement doit affecter de façon plus que passagère l’équilibre émotif, physique et/ou psychologique de la victime
- Il doit démontrer que ces comportements harcelants avaient comme but ultime ou ont eu pour objectif de l’inciter à quitter son logement ou ont affecté sérieusement son droit au maintien et à la jouissance paisible des lieux
- Il doit démontrer la tolérance qu’une personne raisonnable aurait pour des actes posés en de semblables circonstances
- Il doit démontrer que ce harcèlement n’était nullement désiré ni provoqué, qu’il n’a commis aucun geste contributoire et qu’il a tenté de minimiser ses dommages
Les dommages punitifs
Au sujet de l’octroi de dommage punitifs en matière de harcèlement d’un locateur envers un locataire, Le Tribunal administratif du logement nous enseigne ce qui suit :
Les dommages punitifs obéissent à des règles qui leur sont propres pour décourager les comportements sociaux répréhensibles qui violent les droits et libertés fondamentaux d’autrui.
Ils ne sont pas de nature compensatoire, mais plutôt de nature préventive, dissuasive, punitive et répressive.
L’octroi de dommages punitifs « ne dépend pas de la mesure du préjudice résultant de l’atteinte illicite, mais du caractère intentionnel de cette atteinte ».
Quant au montant de la condamnation, celui-ci doit respecter les principes directeurs de l’article 1621 C.c.Q. : les dommages punitifs ne doivent pas excéder « ce qui est suffisant pour assurer leur fonction préventive », mais doivent être suffisamment élevés pour atteindre cet objectif ultime de prévenir la récidive de comportements non souhaitables.
En bref, la somme accordée ne doit être ni excessive ni insuffisante.
Dans l’évaluation du quantum, le Tribunal doit tenir compte de divers facteurs selon les situations ainsi résumées :
– Les circonstances et la gravité objective de la faute des locateurs;
– Les antécédents des locateurs, le cas échéant;
– La situation patrimoniale et la capacité de payer des locateurs;
– Elle doit tenir compte de l’étendue de la réparation déjà accordée au locataire à titre de dommages compensatoires.
[…]Le quantum doit refléter la capacité financière de l’auteur de l’atteinte pour éviter de constituer une invitation à violer au rabais les droits fondamentaux d’autrui.
Agostinelli c. Allaire
Le harcèlement du locateur par un locataire
Quant au propriétaire qui se fait harceler par un locataire, il a également des recours.
Généralement, il pourra obtenir la résiliation du bail d’un locataire qui l’intimide ou le menace.
Le locateur devra toutefois être prudent dans le choix du Tribunal ou il présentera sa demande. Le Tribunal administratif du logement considère qu’une plainte de harcèlement d’un locateur contre un locataire ne relève pas du bail.
Le Tribunal conclut qu’il pas la compétence juridictionnelle pour trancher le présent litige qui ne relève pas du « contenu obligationnel du bail », mais plutôt de manquements extracontractuels.
Drapeau c. Boucher
Le locataire soumet […] que le harcèlement d’un locataire envers un locateur relève de la responsabilité extracontractuelle.
De leur côté, les locataires soumettent la décision […] dans laquelle la juge administrative Deland conclut à la résiliation du bail et à des dommages moraux en faveur du locateur en raison du comportement difficile de la locataire.
La juge administrative fonde son jugement sur l’article 1863 du Code civil du Québec en raison de l’inexécution d’obligations causant un préjudice sérieux alors qu’en l’espèce la locatrice fonde son recours sur la faute du locataire pour harcèlement et intimidation, laquelle ne découle pas de la relation contractuelle.
Lorsque le Tribunal statue sur sa compétence pour entendre la demande, il doit le faire à partir de l’objet de la demande tel que défini par la demande introductive d’instance.
La locatrice réclame aux locataires des dommages moraux, punitifs et exemplaires pour intimidation, harcèlement et mauvaise foi.
Il est clair pour le Tribunal que le débat relève de la responsabilité extracontractuelle et non d’un manquement découlant des obligations du bail.
Lessard c. Pruneau
Exemples
Gestes et paroles agressives
La preuve révèle que les locateurs, par leurs propos tenus et gestes agressifs, ont voulu et veulent voir le locataire quitter le logement.
Les locateurs ont d’ailleurs mentionné candidement au Tribunal souhaiter son départ.
Le Tribunal constate de par les témoignages des locateurs, qu’ils considèrent leurs gestes et propos à l’endroit du locataire comme légitimes, le mentionnant sans retenue.
Menacer un locataire avec un bâton de baseball à la main, couper l’électricité, fermer l’eau d’un locataire sur l’impulsion de la colère et en guise de représailles, tout en souhaitant son départ, ne peut être toléré et se doit d’être dissuadé.
Ainsi, par les évènements relatés et rapportés en preuve, le Tribunal conclut qu’il y a eu harcèlement envers le locataire.
Descheneaux c. Laverdure
En l’espèce, la preuve fortement prépondérante révèle que la locatrice et son fils, par leur conduite, leurs comportements agressifs, leurs multiples interventions ou ingérences dans le logement, leurs menaces et leur langage grossier, constituent du harcèlement à l’égard du locataire.
D’ailleurs, la locatrice souhaite le départ du locataire depuis son deuxième mois de location.
Potocki c. Desaulniers
Absence de harcèlement
Certes, les locataires et la locatrice n’ont pas une relation harmonieuse, mais ce n’est pas parce qu’il existe un conflit entre les locataires et la locatrice que nous sommes en présence d’un cas de harcèlement.
Celui-ci doit s’évaluer objectivement et non subjectivement. En fait, il ne faut pas qualifier la situation à partir de la perception personnelle des locataires.
Ce n’est pas parce que la locatrice exerce un recours contre les locataires qu’elle les harcèle, ni parce qu’elle leur écrit trois lettres en quatre ans.
En outre, le Tribunal note que la présence d’animaux est interdite au bail et qu’aucun stationnement n’est inclus (alors qu’étrangement le déneigement du stationnement l’est…).
Ainsi la locatrice a le droit d’exercer ses droits de gérance sans que cela ne constitue du harcèlement en vertu de la loi.
Poitras c. Matej
Stratagème pour forcer le locataire à quitter le logement
Les locateurs ont eu des agissements qui sont de nature à illustrer une forme de harcèlement envers la locataire.
D’une part, les locateurs expédient un avis de reprise du logement lequel est complètement illégal vu la présence de trois locateurs et vu l’absence d’intention de la bénéficiaire, laquelle admettait ne pas avoir désiré demeurer dans ce logement et seul le désir de ses parents était de la voir quitter son logement.
La locataire refuse de quitter son logement et elle se voit retirer immédiatement son droit d’accès au sous-sol accordé par le bail en plus de lui retirer, en cours de bail, la permission d’utiliser le grenier sans oublier son avis d’augmentation substantielle de 70 $ par mois pour augmenter le loyer de 460 $ à 530 $.
Ce refus de la locataire la frustre et elle l’avise de travaux majeurs, et lui demande verbalement de libérer ses objets laissés dans le corridor le conduisant à son logement.
Ainsi, toutes ces actions sont autant d’éléments qui démontrent des actes directs ou indirects de harcèlement visant à restreindre la jouissance paisible des lieux de la locataire et ultimement à ce qu’elle quitte les lieux. Ce qu’elle fera quelques mois plus tard.
Boivin c. Tardif
Retarder l’exécution de travaux
Le fait qu’un locateur retarde l’exécution des travaux et le laisse dans cet état plusieurs mois, représente un comportement inacceptable et doit être sanctionné par le tribunal de la Régie du Logement.
Le refus injustifié témoigne d’un désir inavoué, mais évident de hâter le départ de la locataire.
L’accès au logement a été refusé à une reprise, mais le locateur n’a pas exercé ses droits conformément à l’état du droit et aucune entente n’est intervenue en ce sens. Le locateur connaissait l’état des lieux et n’a pas mis en place un plan d’intervention pour remédier à la situation.
L’ensemble de la preuve permet au tribunal d’octroyer à la locataire la somme de 2 000 $ à titre de dommages punitifs, car le locateur, par son comportement, a restreint le droit à la jouissance paisible des lieux afin d’obtenir le départ du logement de la locataire
Gallagher c. Lemieux
Consultez notre publication sur la demande de diminution de loyer de logement.