Un simple citoyen peut utiliser la force pour arrêter une personne, la fouiller et la détenir jusqu’à l’arrivée des policiers.
Ainsi, un commerçant qui constate qu’un client fait du vol à l’étalage peut, en principe, arrêter ce client et le détenir jusqu’à l’arrivée des policiers.
Les agents de sécurité, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, sont également considérés comme de simples citoyens aux yeux de la Loi.
Dans ce texte, on vous explique l’arrestation citoyenne… comment ça marche, et on vous donne des exemples.
Le Code criminel canadien permet à une personne d’en arrêter une autre qu’elle trouve en train de commettre un acte criminel.
Toute personne peut arrêter sans mandat :
a) un individu qu’elle trouve en train de commettre un acte criminel;
Elle peut aussi faire une arrestation citoyenne si elle a des motifs raisonnables de croire qu’elle a commis un crime ou qu’elle est en train de fuir la police.
b) un individu qui, d’après ce qu’elle croit pour des motifs raisonnables :
(i) d’une part, a commis une infraction criminelle,
(ii) d’autre part, est en train de fuir des personnes légalement autorisées à l’arrêter et est immédiatement poursuivi par ces personnes.
Le propriétaire d’un bien, comme un vélo, peut également arrêter une personne ou demander à une autre personne de le faire, soit immédiatement, soit dans un délai raisonnable après un vol, par exemple, si elle pense que cette personne ne sera pas arrêtée par la police.
(2) Le propriétaire d’un bien ou la personne en ayant la possession légitime, ainsi que toute personne qu’il autorise, peut arrêter sans mandat une personne qu’il trouve en train de commettre une infraction criminelle sur le bien ou concernant celui-ci dans les cas suivants :
a) il procède à l’arrestation à ce moment-là;
b) il procède à l’arrestation dans un délai raisonnable après la perpétration de l’infraction et il croit, pour des motifs raisonnables, que l’arrestation par un agent de la paix n’est pas possible dans les circonstances.
Par ailleurs, la personne qui procède à une arrestation citoyenne, à l’obligation de livrer cette personne à un agent de la paix, sans délai.
(3) Quiconque, n’étant pas un agent de la paix, arrête une personne sans mandat doit aussitôt la livrer à un agent de la paix.
Évidemment, ce genre d’arrestation peut être extrêmement dangereuse. Qui n’a pas déjà entendu, aux nouvelles, l’histoire d’un bon samaritain qui s’est fait blesser après avoir voulu arrêter un voleur.
Ce pouvoir d’arrestation citoyenne est souvent utilisé par les agents de sécurité, et il leur permet de faire leur travail légalement, car ils ne sont pas considérés comme des agents de la paix selon le Code criminel canadien.
Lorsque l’employé d’un magasin ou un agent de sécurité intervient auprès d’un client qu’il soupçonne de vol, il agira légalement s’il respecte les règles suivantes :
Garder son calme |
Rester poli |
Être discret |
Respecter les directives de l’employeur |
Il faut savoir que l’utilisation de la force est permise pour procéder à une arrestation citoyenne, mais il faut seulement utiliser la force nécessaire.
L’utilisation d’une force excessive pourrait entrainer des poursuites criminelles et des poursuites en dommages.
une personne autorisée par la loi à employer la force est criminellement responsable de tout excès de force, selon la nature et la qualité de l’acte qui constituent l’excès.
Les tribunaux n’ont pas défini avec précision ce que constitue la force raisonnable ou l’usage excessif de la force. Chaque cas doit être évalué en considérant l’ensemble des circonstances.
Plusieurs facteurs doivent être pris en considération. Sans être exhaustif, il y a lieu de considérer différents critères, selon le contexte, afin de déterminer si la force utilisée est raisonnable et proportionnelle ou excessive, notamment :
– La gravité du crime;
– La différence physique entre le citoyen et la personne arrêtée;
– La présence d’arme;
– Les façons possibles de faire l’arrestation;
– L’âge des individus impliqués;
– Le comportement et la force de la personne arrêtée.
R. c. Corbeil
La fouille est également permise, mais seulement que pour éviter la destruction d’une preuve du crime ou pour protéger sa sécurité, si on croit que la personne qu’on arrête dissimule une arme, par exemple.
Enfin, il est aussi possible de détenir une personne, mais encore là il faut être extrêmement prudent pour ne pas que la détention se transforme en séquestration, car la séquestration est un acte criminel.
Exemples d’arrestation citoyenne
Conduite en état d’ébriété
Si l’agent de sécurité décide de détenir le défendeur et de demander l’intervention des policiers, il s’agit de sa participation à la lutte contre la conduite sous l’effet de l’alcool, au même titre qu’un simple citoyen pourrait empêcher un conducteur en état d’ébriété de poursuive sa route ou de mettre un véhicule en mouvement.
R. c. Gendron-Grondines
Utilisation d’une force excessive
L’emploi de la force lors d’une arrestation doit être judicieux et rationnel.
L’ensemble de la preuve démontre que la force utilisée le 2 février 2013 par l’accusé à l’égard de la plaignante est nettement déraisonnable, démesurée et injustifiée. En effet, son intervention musclée et agressive est tout à fait disproportionnée par rapport aux circonstances.
Jamais le comportement de la plaignante représente une menace réelle pour la sécurité de l’accusé, celle de ses proches ou de ses biens, ni dans son comportement du 2 février 2013 et ni dans son comportement antérieur.
À l’évidence, l’acte criminel commis par la plaignante est d’une gravité subjective moindre : il s’agit ici d’un vol de nourriture pour chats. Il n’y avait aucune urgence d’agir de la sorte et aucun élément, tant objectif que subjectif, ne pouvait laisser croire que la plaignante était armée ou même menaçante. Rien dans les faits et gestes de la plaignante ne justifie l’action de l’accusé.
Lors de l’arrestation, l’accusé aurait dû donner l’opportunité à la plaignante de collaborer et de cesser son comportement, tout en faisant un appel au calme.
À force de prévoir le pire dans le cadre de sa planification et de sa stratégie, l’accusé a, de façon flagrante, manqué de jugement et de discernement.
Il est évident qu’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances aurait certes agi autrement. Elle aurait considéré les éléments suivants :
– La nature et la gravité subjective de l’infraction;
– L’absence de menace ou d’une arme;
– Le comportement antérieur de la plaignante, son âge, la force de la personne arrêtée et la différence physique. Dans les faits, il s’agit d’une femme qui n’a commis aucun méfait ou geste de violence à l’égard de l’accusé ou de sa propriété.
Ses craintes selon lesquelles la plaignante est dangereuse relève de la conjecture. Dans les faits, rien ne lui permet de conclure à la dangerosité de cette dernière.
Même en tenant pour acquis, tel qu’il le décrit, que la plaignante constitue un réel danger, il est indéniable qu’une personne raisonnable aurait nécessairement fait appel aux policiers de façon à éviter les risques de violence et de blessures.
À cet égard, les policiers ont une formation précise et savent le degré de force à utiliser qui doit être raisonnable et proportionnel à la commission de l’infraction et en fonction de la personne à arrêter.
Considérant toutes les circonstances, il n’y a aucun motif qui puisse justifier, de quelque façon, l’utilisation de la serviette, des attaches de plastique autobloquantes et des contraintes physiques exercées par l’accusé à l’égard de la plaignante à l’aide de ses mains et de ses genoux.
R. c. Corbeil
Agent de sécurité
L’agent de sécurité est autorisé à intervenir dans les seules circonstances décrites à la disposition précitée.
En d’autres mots, pour que l’interception soit légale, il doit avoir surpris un client en flagrant délit de vol.
Chesta c. Réno-Dépôt inc
Dans un monde de consommation où le vol à l’étalage est devenu épidémique, toute personne ne peut prétendre être surprise, offusquée et humiliée de se faire intercepter à la sortie d’un magasin et demander si elle a payé toutes les marchandises achetées, par une employée chargée de la sécurité dans ce magasin, surtout si cette dernière agit par une employée chargée de la sécurité dans ce magasin, surtout si cette dernière agit sans malice, avec toute la civilité requise, et ayant un motif raisonnable d’agir ainsi.
Tremblay c. Sears Canada Inc
Alarme déclenchée par un objet non démagnétisé
Le Tribunal retient le témoignage de François (cliente) et conclut que non seulement la vérification effectuée par Chevalier (caissière) a été faite de manière à gêner et humilier François devant ses enfants, sa nièce et les clients de Wal-Mart, mais qu’en plus, Chevalier n’avait pas de véritable motif d’intercepter François plus qu’un autre client.
Accuser injustement une cliente de vol, vider en public ses sacs, identifier un article parce que la préposée ne retrouve pas le code-barres sur la facture, et soutenir que cet article n’a pas été payé alors que François avait payé cet article constitue une conduite fautive qui mérite compensation.
François c. Compagnie Wal-Mart du Canada
Fouille de sac et détention par un commerçant
Le droit d’intervenir auprès des clients afin d’effectuer une vérification des biens qu’ils détiennent ne peut cependant être exercé de façon arbitraire ou abusive. Le droit de vérifier le contenu des sacs des clients doit se fonder sur des motifs sérieux et légitimes.
[…]
En l’espèce, le demandeur n’a pas été soupçonné de vol. C’est ainsi que le personnel de Canadian Tire n’avait aucune motif d’exiger une fouille de son sac.
Le demandeur a refusé de se soumettre à la fouille demandée et donc n’a pas été assujetti à une telle vérification. Par contre, il a été retenu contre son gré jusqu’à l’arrivée des policiers.
Or, en l’espèce, le demandeur n’a pas commis un acte criminel et n’était pas soupçonné de vol. Les employés de Canadian Tire n’avaient donc pas le droit de le détenir, sous menace de représailles physiques, comme ils l’ont fait durant une période de deux heures.
Il y a eu une détention arbitraire et illégale, sans fondement, en contravention de la Charte, pour laquelle le demandeur a le droit d’être indemnisé. La faute des employés de Canadian Tire engage la responsabilité de cette dernière.
Kupriakov c. Gestion René J. Beaudoin inc. (Canadian Tire)
Consultez notre publication sur les 16 choses interdites aux policiers du Québec.
Ou celle sur la légitime défense au Canada.