Logement

La rénoviction et l’éviction d’un locataire

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ATTENTION : Certaines des informations contenues dans ce texte peuvent être affectées par l’entrée en vigueur du projet de loi 31.

La rénoviction et l’éviction d’un locataire répondent à des règles bien précises que nous expliquons en détails dans ce texte.

Vous pouvez cliquer sur le sujet qui vous intéresse pour vous rendre directement à la section qui en traite :

La rénoviction

Les rénovations et travaux majeurs

L’éviction


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La rénoviction

Le mot «rénoviction» est une expression populaire consacrée qui fait référence à l’éviction d’un locataire pour effectuer des rénovations dans son logement.

La rénoviction est illégale.

En effet, la rénovation d’un logement, même majeure, ne permet pas à un propriétaire de mettre fin au bail d’un locataire, ou autrement dit de faire une éviction.

Seul l’évacuation temporaire peut-être permise par le propriétaire qui fait des rénovations, même majeure, dans un logement.

Voici les règles qui s’appliquent lorsqu’un propriétaire souhaite effectuer des rénovations, des améliorations ou des travaux majeurs non urgents dans un logement.


Exemple de rénoviction illégale

Dans une affaire du Tribunal administratif du logement, un propriétaire qui vient d’acheter un immeuble envoie un avis d’évacuation aux locataires parce qu’il souhaite faire une rénovation complète des logements, et même ajouter des salles de lavages.

Un des locataires refuse l’avis d’évacuation, ce qui nécessite l’intervention du tribunal qui rappelle d’abord que :

Le locateur qui désire entreprendre une amélioration majeure ou une réparation majeure non urgente doit aviser son locataire et si une évacuation est requise, une indemnité doit être offerte .

Dans tous les cas, le locataire a un droit absolu de réintégrer son logement à l’expiration de la période d’évacuation.»

9229-5294 Québec inc c. Bergeron

Il explique ensuite que :

L’encadrement législatif applicable aux travaux majeurs dans le logement vise à protéger le locataire, dont la vie privée et la jouissance paisible sont affectées par ceux-ci.

Ainsi, le locateur doit prouver le caractère raisonnable des travaux, des conditions, ainsi que la nécessité de l’évacuation.

Un des objectifs visés est sans doute d’éviter que le locateur utilise l’exécution de travaux comme prétexte pour se débarrasser d’un locataire peu rentable ou encombrant.

9229-5294 Québec inc c. Bergeron

Concernant le projet du propriétaire de faire une rénovation complète du logement, le Tribunal juge qu’il est illégal puisque «la Loi interdit le changement de forme en cours de bail» 

Article 1856 du Code civil du Québec

Le but des dispositions permettant une évacuation pour les fins d’une réparation ou d’une amélioration n’est pas de permettre au locateur de modifier ou transformer en entier le logement dans le but de le moderniser. Il ne peut s’agir d’une démolition pour restauration complète, car ce serait alors faire indirectement ce que la loi ne permet pas de faire directement.

9229-5294 Québec inc c. Bergeron

Cette décision nous apprend deux (2) choses :

Premièrement, un locataire qui a été évacué pour travaux majeurs à un droit absolu de réintégrer son logement, la rénoviction dans ce cas, est donc illégale.

Deuxièmement, les travaux majeurs ne doivent pas avoir pour effet de modifier ou transformer en entier le logement.


Les rénovations et travaux majeurs

L’avis

Le propriétaire doit donner un avis au locataire avant d’entreprendre des rénovations ou des travaux majeurs non urgents.

Article 1922 du Code civil du Québec


Délai de l’avis

L’avis doit être remis 10 jours avant le début des travaux, si les travaux ne nécessitent pas une évacuation de plus d’une (1) semaine.

L’avis doit être remis 3 mois avant le début des travaux, si les travaux nécessitent une évacuation de plus d’une (1) semaine.

Article 1923 du Code civil du Québec


Contenu de l’avis

L’avis doit être donné par écrit au locataire et lui être transmis à l’adresse qui figure au bail.

Il doit également être rédigé dans la même langue que le bail.

Voici ce que l’avis doit absolument contenir :

La nature des travaux
La date de début des travaux
La durée estimée des travaux
La durée de l’évacuation du locataire, s’il y a lieu
Le montant de l’indemnité offerte en cas d’évacuation
Les autres conditions d’exécution des travaux qui pourraient diminuer la jouissance du locataire
Article 1923 du Code civil du Québec

Le Tribunal administratif du logement propose un modèle d’avis en cas de rénovation et de travaux majeurs non urgents.


Comment faire invalider un avis de rénovation et de travaux majeurs

Il existe plusieurs moyens à la disposition du locataire pour faire invalider un avis de rénovation et de travaux majeurs, en voici quelques-uns :

Avis rédigé dans un autre langue que le bail
Absence d’indication quant à la nature des travaux
Absence d’indication quant à la durée des travaux
Absence d’indication quant à la période d’évacuation requise, s’il y a lieu
Avis transmis hors délai
3485 Papineau Investments Ltd. c. Roger-Carpentier

Une simple erreur cléricale, comme une erreur d’écriture au niveau d’une date dans l’avis, ne sera généralement pas suffisant pour le faire invalider.

Abrieu c. Reyes

Quant aux imprécisions quant à la nature des travaux, à leur durée ou à la durée de l’évacuation, elles ne seront pas nécessairement fatales comme leurs absences, pure et simple.

Enfin, le locateur qui transmet un avis hors délai peut demander au Tribunal administratif du logement de le relever de don défaut.

Article 15 de la Loi sur le Tribunal administratif du logement


L’indemnité

Lorsque l’évacuation temporaire du locataire est nécessaire afin que le propriétaire puisse effectuer ses travaux, il doit également lui remettre une indemnité.

Article 1922 du Code civil du Québec


Quand l’indemnité doit-elle être payée

Elle doit être payé au moment de l’évacuation, et non après.

Si le montant remis avant l’évacuation s’est avéré insuffisant, le locataire peut être remboursé des dépenses raisonnables faites en surplus.

Article 1924 du Code civil du Québec


Quel est le montant de l’indemnité

Le montant de l’indemnité doit être «égale aux dépenses raisonnables qu’il devra assumer en raison de cette évacuation«.

Article 1922 du Code civil du Québec

Il est important de noter que :

l’indemnité est évaluée non pas en tenant compte des dépenses qui seront réellement encourues mais plutôt en considérant les dépenses raisonnables prévues découlant de l’évacuation

1565 Panet inc. c. Bouchard

C’est le Tribunal administratif du logement qui établit le montant raisonnable de l’indemnité en cas de désaccord entre le locataire et le propriétaire.

Il n’hésitera pas à refuser une indemnité qui lui apparait déraisonnable, comme celle d’un loyer de plus de 2000 $ par mois que celui du locataire.

Seyed Nejadian c. Veillette

Généralement, il demandera au locataire des pièces justificatives afin de justifier ses frais.

Voici la liste des dépenses qui sont généralement reconnues :

Les frais de deux (2) déménagements, incluant les frais pour l’achat de boite
Un montant équivalent au surplus de loyer que le locataire devra assumer, s’il y a lieu
Les frais d’hébergement temporaire du locataire, s’il y a lieu
Les frais d’entreposage
Les frais pour le réacheminement du courrier
Les frais de transfert de ligne téléphonique, de câble TV et d’internet
Les frais d’assurance, s’il y a lieu
Les frais de repas supplémentaires

Réponse du locataire

Le locataire doit répondre dans les 10 jours de la réception d’un qui prévoit une période d’évacuation.

L’absence de réponse du locataire équivaut à un refus d’évacuation.

Dans ce cas, le locateur doit s’adresser au Tribunal administratif du logement, s’il souhaite obtenir l’évacuation du locataire, comme nous le verrons dans la section suivante.

Le locataire n’a pas à répondre à un avis qui ne lui demande pas d’évacuer le logement.

Par contre, s’il veut contester un avis, il devra le faire dans un délai précis, comme nous le verrons dans la section suivante.

Article 1925 du Code civil du Québec


Les recours

Les recours du locateur

Le propriétaire qui souhaite faire des travaux majeures qui ne nécessitent pas une évacuation du locataire n’a pas a demander une autorisation au Tribunal administratif du logement.

Par contre, lorsqu’une évacuation temporaire est nécessaire et que le locataire ne répond pas à l’avis ou refuse d’évacuer le logement, il doit faire une demande au Tribunal administratif du logement, dans les 10 jours de la réponse ou de l’absence de réponse du locataire.

Article 1925 du Code civil du Québec

Le Tribunal administratif du logement aura le rôle suivant :

Statuer sur l’opportunité de l’évacuation
Évaluer le montant de l’indemnité à accorder, s’il y a lieu
Imposer les conditions qu’il estime justes et raisonnables

Au sujet de la démonstration de l’opportunité de l’évacuation :

Il appartient au locateur, lorsque le tribunal est saisi d’une demande sur les conditions dans lesquelles les travaux seront effectués, de démontrer le caractère raisonnable de ces travaux et de ces conditions, ainsi que la nécessité de l’évacuation.

Article 1928 du Code civil du Québec

Enfin, il est important de noter que la demande du locateur est jugée en urgence et elle suspend l’exécution des travaux.

Article 1927 du Code civil du Québec


Les recours du locataire

Le locataire dispose de plusieurs recours suite à la réception d’un avis de rénovations ou de travaux majeurs.

Suite à la réception de l’avis

Tel que mentionné dans la section Les recours du locateur, s’il veut contester un avis d’évacuation, il peut simplement ne pas y répondre.

Dans ce cas, ce sera au propriétaire de demander une autorisation au Tribunal administratif du logement pour obtenir son évacuation.

Sinon, il peut en premier lieu, contester la validité de l’avis, pour l’un des motifs décrits à la section Comment faire invalider un avis de rénovation et de travaux majeurs.

Le locataire peut également contester l’un ou l’autre des éléments suivants :

Le montant de l’indemnité offerte
La durée de l’évacuation
Les conditions d’entreposages de ses biens
L’accès au logement pendant les travaux
Toutes conditions qu’il juge abusive

Ces recours doivent être exercés dans les 10 jours de la réception de l’avis.

Article 1926 du Code civil du Québec

Après l’exécution des travaux

Le locataire a également plusieurs recours à sa disposition après l’exécution des travaux.

Voici une liste des principaux recours :

Demande de remboursement des dépenses faites en surplus de l’indemnité
Demande de diminution de loyer
Demande de résiliation du bail
Demande d’ordonnance pour remettre le logement en bon état, par exemple
Demande pour dommages moraux en cas de non respect d’une obligation par le propriétaire

En principe, le locataire aura trois (3) ans pour exercer ces recours


La remise du logement en bon état de propreté

Lorsque le locateur effectue des travaux au logement, il doit remettre celui-ci en bon état de propreté.

Article 1911 du Code civil du Québec

Le propriétaire qui ne remet pas le logement dans un bon état de propreté après y avoir effectué des rénovations ou des travaux majeurs pourraient devoir payer une indemnité supplémentaire au locataire du logement.

Il s’expose également a payer des dommages moraux aux locataires pour les troubles et inconvénients résultant du nettoyage des lieux.

Monette c. Duré


Décision de principe du Tribunal administratif du logement

Voici un extrait d’une décision du Tribunal administratif du logement qui résume bien les principes applicables en matières de rénovations et de travaux majeurs dans un logement :

Le locateur qui désire entreprendre une amélioration majeure ou une réparation majeure non urgente doit aviser son locataire et si une évacuation est requise, une indemnité doit être offerte.

Dans tous les cas, le locataire a un droit absolu de réintégrer son logement à l’expiration de la période d’évacuation.

Au sens commun du terme, « une amélioration » consiste à un ensemble de travaux ou de dépenses faites sur un bien en lui procurant une plus-value.

De façon générale, une amélioration dans le logement visera à donner un aspect plus agréable ou de rendre plus fonctionnel les équipements même s’ils ne sont pas détériorés.

Quant aux réparations, elles visent la remise en état de ce qui est détérioré. Il ‘agira, en somme, de corriger les éléments défectueux, de les remplacer ou les restaurer.

Le terme « majeur » quant à lui réfère à ce qui est important, considérable, substantiel ou significatif.

Il faut interpréter ces dispositions comme visant les améliorations et réparations majeures à réaliser à l’intérieur du logement du locataire.

Ainsi, il apparaît logique que le locataire ait à subir de tels travaux alors qu’il en retirera éventuellement un certain bénéfice ou avantage lors de son réaménagement.

[…]  

Le législateur a, ainsi, adopté des règles particulières afin d’encourager le maintien et même l’amélioration de la qualité des logements. Il va sans dire que les travaux projetés doivent contribuer à participer à cet objectif.

L’encadrement législatif applicable aux travaux majeurs dans le logement vise à protéger le locataire, dont la vie privée et la jouissance paisible sont affectées par ceux-ci.

[…]

Ainsi, le locateur doit prouver le caractère raisonnable des travaux, des conditions ainsi que la nécessité de l’évacuation.

[…]

les tribunaux ont établi des critères à rencontrer pour établir le caractère raisonnable des travaux.

[…]

– L’urgence des réparations, le cas échéant;

– La nécessité des travaux;

– L’intérêt des parties;

– Les inconvénients causés.

[…]

L’ampleur de ces mesures d’appui au locataire peut paraître disproportionnée.

Un des objectifs visés est sans doute d’éviter que le locateur utilise l’exécution de travaux comme prétexte pour se débarrasser d’un locataire peu rentable ou encombrant.

Le locataire, de son côté, peut craindre que les coûts engagés à cette fin se traduisent par une augmentation substantielle du loyer.

En pratique, la grande majorité des projets de réparations se négocient dans l’harmonie, puisque l’amélioration du logement profite en principe à tous les intéressés. 

9229-5294 Québec inc c. Bergeron

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L’éviction

Les types d’éviction

Le propriétaire d’un logement peut évincer un locataire dans l’un ou l’autre des cas suivants :

Subdivision d’un logement
Agrandissement substantielle d’un logement
Changement d’affectation d’un logement
Article 1959 du Code civil du Québec

La subdivision d’un logement

La subdivision d’un logement implique l’ajout d’un nouveau logement.

Le simple fait de transformer un 4 1/2 en un 5 1/2, ou en un 3 1/2 n’est pas considéré une subdivision au sens de la loi, si la transformation n’a pas pour conséquence de modifier la surface habitable du logement.

Trinh c. Molla


L’agrandissement substantielle d’un logement

L’agrandissement substantielle d’un logement implique une augmentation substantielle de la surface habitable d’un logement, notamment, en utilisant celle d’un autre logement ou en créant un seul logement à partir de la réunion de deux (2) logements.

Le Tribunal administratif du logement souligne d’ailleurs ce qui suit :

Lorsque le processus d’éviction vise un logement pour « l’agrandir substantiellement », il y a lieu de voir à quoi se rapporte ce concept ou cette expression, après en avoir circonscrit les composantes.

Dans son acception commune, l’adjectif « substantiel » est employé comme superlatif, et signifie important, considérable, très appréciable.

[…] 

Pour ce qui est de l’agrandissement même, le Tribunal est d’opinion qu’il réfère nécessairement à un élément physique de transformation.

Le logement, objet du bail, perdra son identité au niveau de sa contenance qui sera amplifiée, soit par l’accroissement de sa superficie ou aire, voire même de son volume.

En définitive, les dimensions en seront augmentées, considérablement, substantiellement.

Brierre c. Syed

Une augmentation de la surface habitable de 25 %, par exemple, a été considéré comme un agrandissement substantiel.

Mahfoud c. Causse


Changement d’affectation d’un logement

Le changement d’affectation d’un logement implique généralement que le logement soit retiré du marché des logements.

Ainsi, convertir un logement en appartement hôtel pour faire de la location courte durée, constitue un changement d’affectation.

Tout comme, convertir un logement en lieu d’hébergement pour les artisans chargés de travailler sur différents projets.

Ou encore, convertir un logement en résidence pour personnes âgées.

Vermette c. Action Santé LC

Le terme « affectation » signifie la destination, l’application de quelque chose à un usage déterminé.

Il y a changement d’affectation lorsque la vocation d’un logement passe de résidentielle à commerciale ou change fondamentalement d’une autre manière comme, par exemple, lorsque le logement est retiré du marché locatif ou cesse d’être assujetti aux règles propres au bail de logement.

Parent-Côté c. Dominique

Les exceptions

L’éviction n’est pas permise lorsque le locataire, ou son conjoint, remplit tous les conditions suivantes :

1) Est âgé de 70 ans et plus
2) Habite le logement depuis au moins 10 ans
3) À un revenu égal ou inférieur au revenu lui permettant d’être admissible à un logement à loyer modique

Si les deux (2) premiers critères sont assez faciles à déterminer, le dernier critère par contre est très difficile à établir.

En effet, le propriétaire ne possède que rarement les informations sur le revenu de son locataire, et le calcul pour établir le revenu permettant d’être admissible à un logement à loyer modique est relativement compliqué. Il est composé d’un système de pointage et de catégorie.

Néanmoins, pour effectuer le calcul, vous devez vous référer au Règlement sur l’attribution des logements à loyer modique.

Avant de procéder à l’éviction, lorsqu’il soupçonne que son locataire remplit les trois (3) critères, il est donc prudent pour le propriétaire d’essayer d’obtenir l’information sur le revenu du locataire afin de pouvoir faire le calcul.


L’avis

Le propriétaire qui souhaite évincer un locataire doit lui transmettre un avis et respecter certaines formalités.

Article 1960 du Code civil du Québec


Le délai de l’avis

Dans le cas d’un bail à durée fixe, qui se renouvelle à chaque année comme la plupart des baux, l’avis d’éviction doit être remis 6 mois avant la fin du bail.

Dans le cas d’un bail à durée indéterminée, ce qui est moins commun en matière de logement, l’avis d’éviction doit être remis 6 mois avant l’éviction.

Exceptionnellement, dans le cas d’un bail de 6 mois et moins, l’avis d’éviction peut être remis 1 mois avant la fin du bail.

Article 1960 du Code civil du Québec


Le contenu de l’avis

L’avis d’éviction doit absolument contenir les trois (3) éléments suivants :

1) Le motif de l’éviction
2) La date de l’éviction
3) Le contenu de l’article 1959.1 du Code civil du Québec
Article 1961 du Code civil du Québec

Le Tribunal administratif du logement propose un modèle d’avis d’éviction.


Motif de l’éviction

Le Tribunal administratif du logement est exigeant quant à la rédaction du motif d’éviction qui doit être inscrit sur l’avis.

Ainsi, il refusera généralement un avis qui comporte les trois (3) motifs d’éviction :

Il ressort de la preuve que le locateur fait référence aux trois motifs d’éviction sur son avis. En conséquence et en l’absence d’explication, le Tribunal conclut que l’avis d’éviction transmis par le locateur est invalide et inopposable à la locataire.

Juneau c. Gestion Immobec inc.

 Le but de l’avis est, notamment, de permettre au locataire d’aller vérifier si l’opération visée par la locatrice est permise. Il pourra donc se renseigner à la ville de la réglementation qui concerne le motif d’éviction et ainsi préparer adéquatement sa demande d’opposition.

La jurisprudence démontre que des avis sont déclarés invalides si le mauvais motif est allégué. Alors on ne peut permettre qu’un locateur mentionne les trois motifs afin d’éviter de se tromper, en se disant que trop fort ne casse pas.

On ne peut demander au locataire de préparer sa défense en ne sachant pas le but de l’éviction.

Le locataire ne devrait pas devoir préparer trois défenses afin de pouvoir être prêt le jour de l’audience lorsqu’il connaîtra avec certitude le motif de l’éviction.

Cela l’obligerait à regarder toutes les lois et tous les règlements de sa ville pour les trois motifs d’éviction. Cela l’obligerait à faire les vérifications de tous les critères pour l’obtention du permis de la ville pour les trois motifs allégués. C’est un fardeau qu’il n’a pas à supporter.

L’avis doit être clair et ne pas porter à confusion. Lors de la réception de l’avis, le locataire doit savoir ce qu’il advient de son logement. Il doit savoir sur quoi va porter sa défense et se préparer en conséquence.

Beridot c. Regroupement culturel islamique africain de Montréal

De la même manière, un avis d’éviction qui mentionne le mauvais motif d’éviction sera, sauf exception, jugé invalide.

Bennis c. Wachter


Erreurs cléricales ou de bonne foi

Le Tribunal administratif du logement reconnait que de simples erreurs cléricales ou de bonne foi ne rendent pas un avis d’éviction automatiquement invalide.

Un avis d’éviction pourrait être déclaré valide par le Tribunal bien qu’il puisse comporter une erreur cléricale ou une erreur faite de bonne foi

Bebronne c. Sztorc

Il y a eu certainement une erreur dans la désignation du logement avec lequel l’agrandissement devait se faire, mais cela ne fait pas en sorte que l’avis devient invalide. En voulant ajouter des informations qui ne sont pas requises, la locatrice a fait une erreur de bonne foi.

Poirier c. 9392-8984 Québec inc.

Quant à une simple erreur de date, il est maintenant aussi généralement reconnu qu’elle ne suffit pas à déclarer un avis d’éviction invalide si cette erreur ne cause pas de préjudice au locataire.

Girard c. Lajoie


La date de l’éviction

Quant à la date de l’éviction, le propriétaire indique normalement la date de la fin du bail, ou plus rarement, la date de l’éviction, soit 6 mois après l’avis, dans le cas d’un bail à durée indéterminée.

Cependant, un locataire peut demander au Tribunal administratif du logement de fixer cette date à une date postérieure à celle de l’avis d’éviction.

Article 1961 du Code civil du Québec

Avant d’accepter ou de refuser une telle demande du locataire, le Tribunal évalue essentiellement qui subi le plus d’inconvénients, entre le locataire et le propriétaire, à cause report de cette date.

De Montigny c. Mandeville


L’indemnité

Le propriétaire doit payer au locataire une indemnité lorsqu’il procède à son éviction.

Cette indemnité comprend :

1) Trois mois de loyer
2) Des frais raisonnables de déménagement

Ainsi que dans certains cas :

3) Des dommages-intérêts

L’indemnité est payable à la fin du bail et les frais de déménagement le sont, sur présentation de pièces justificatives.

Article 1965 du Code civil du Québec

Au sujet des dommages-intérêts, le Tribunal administratif du logement semble avoir adopté une approche très restrictive, comme en font foi ces deux (2) extraits :

la locatrice a uniquement la responsabilité de dédommager le locataire pour les dommages directement reliés au déménagement, soit les frais de déménagement et les inconvénients relatifs à cette période de déménagement. Par conséquent, les dommages collatéraux sont exclus.

Les dommages réclamés à titre de perte d’enracinement et la différence de loyer pour la location d’un nouveau logement ne sont donc pas admissibles à titre de dommages au sens de l’article 1965 (C.c.Q.).

Les dommages et intérêts plus élevés dont il est question à l’article 1965 C.c.Q. n’englobent pas non plus le stress que cela a pu engendrer chez la locataire.

L’Écuyer c. Gestion Guy Carrière inc.

L’indemnité que le tribunal peut accorder doit prendre en considération plusieurs facteurs; dont notamment la durée de l’occupation du logement par le locataire, la capacité de payer du locateur et l’âge du locataire et son état de santé.

L’indemnité n’est pas basée sur une quelconque faute de la locatrice.

Il appert de la jurisprudence que seuls les frais justes et raisonnables de déménagement (indemnité équivalente aux frais de déménagement) et de trois mois de loyer peuvent être réclamés en l’occurrence, lors d’une demande d’éviction, non des dommages-intérêts pour perte de jouissance ou autre frais.

Sansoucy c. 9151-5726 Québec inc

Il est important de noter finalement que le Tribunal administratif du logement peut en matière d’éviction :

imposer les conditions qu’il estime justes et raisonnables

Article 1967 du Code civil du Québec

La réponse du locataire

La loi ne prévoit aucune forme de réponse spécifique du locataire suite à la réception d’un avis d’éviction.

Elle prévoit néanmoins qu’il peut s’adresser au tribunal pour s’opposer à l’éviction, à l’intérieur d’un délai d’un (1) mois.

S’il ne le fait pas, il est réputé avoir consenti à quitter le logement.

Article 1966 du Code civil du Québec


L’opposition du locataire à l’éviction

Le locataire qui souhaite contester une éviction peut faire une demande d’opposition à l’éviction au Tribunal administratif du logement.

Tel que mentionné précédemment, il doit faire cette demande à l’intérieur d’un délai d’un (1) mois, suivant la réception de l’avis d’éviction.

Pour faire ce type de demande, le locataire peut utiliser le formulaire d’opposition à l’éviction proposé par le Tribunal administratif du logement, et suivre les instructions qui y sont indiqués.

Nous recommandons toutefois aux locataires ou au locateurs de retenir les services d’un avocat pour ce type de demande compte tenu de sa complexité et des enjeux qui y sont associés.

En cas d’opposition du locataire, le propriétaire devra faire la preuve, ou la démonstration si vous préférez, qu’il entend réellement subdiviser, agrandir substantiellement ou changer l’affectation du logement.

Article 1966 du Code civil du Québec


La preuve du locateur

Lors d’une opposition le propriétaire doit démontrer au Tribunal administratif du logement que son projet est fondé et qu’il pourra être exécuté.

Son projet doit être réel et concret.

Gallagher c. Topo Immobilier

Le Tribunal explique comment est faite cette démonstration de la manière suivante :

La formule « qu’il entend réellement » oblige le Tribunal à vérifier si la démarche entreprise par les locateurs est faisable et que leur intention est réelle, certaine et ferme.

[…]

Certes, le désir des propriétaires de rentabiliser leur immeuble n’est pas en soi un obstacle à une demande d’éviction et cela ne révèle pas qu’ils sont de mauvaise foi.

[…]

À moins d’obtenir un aveu spontané du locateur qu’il n’entend pas mener à terme son projet, cette volonté devra s’inférer par sa bonne foi, sa crédibilité, la preuve documentaire et les circonstances entourant le projet.

Au niveau documentaire, la preuve de conformité du projet du locateur avec la loi et la réglementation municipale ou autre est l’un des éléments dont le tribunal doit prendre en considération. Elle s’établit notamment par la production des permis délivrés par la municipalité ou par l’opinion d’un expert.

Finalement, le Tribunal ne doit pas automatiquement permettre une éviction devant la preuve de la délivrance d’un permis municipal, car il jouit d’une certaine latitude au-delà de l’évaluation de la preuve documentaire. 

Akl c. Gimenes

Le propriétaire doit, par ailleurs, démontrer le sérieux de son projet :

le locateur doit démontrer le sérieux de son projet et pour ce faire, on exige généralement que le locateur démontre qu’il a analysé et soupesé tous les aspects du projet : cadre financier, préparation de plans, estimation des coûts des travaux, etc.

Castillo Velasquez c. 9388-5598 Québec inc.

Lors d’une éviction pour agrandissement substantiel :

Le Tribunal doit, en effet, s’assurer que non seulement l’agrandissement des logements est autorisé par les règlements municipaux en termes de zonage, mais aussi que les règlements d’urbanisme ne l’empêchent pas.

[…]

Le sérieux de la démarche (faisabilité) se démontre par une analyse rigoureuse du cadre financier, la confection de plans, l’expertise de professionnels (ex. : architecte ou ingénieur), la soumission du coût de tels travaux ou l’obtention de permis requis, le cas échéant.

Mevel c. Sajid Mesbahi

Il est d’ailleurs important de noter que la preuve en matière d’éviction n’est pas la même qu’en matière de reprise de logement :

En cas d’éviction pour changement d’affectation, le locateur n’a pas à démontrer, comme en matière de reprise de logement, qu’il ne s’agit pas d’un prétexte pour atteindre d’autres fins.

En matière d’éviction, le Tribunal doit évaluer la bonne foi du locateur eu égard à son intention d’exécuter ou non le projet.

S’il a réellement l’intention d’exécuter ce projet, même si l’objectif souhaité est d’obtenir le départ de locataires qu’il considère gênants, le Tribunal ne peut rejeter sa demande pour ce motif.

Castillo Velasquez c. 9388-5598 Québec inc.

L’éviction de mauvaise foi

La loi prévoit ce qui suit à ce sujet :

Le locataire peut recouvrer les dommages-intérêts résultant d’une reprise ou d’une éviction obtenue de mauvaise foi, qu’il ait consenti ou non à cette reprise ou éviction.

Il peut aussi demander que celui qui a ainsi obtenu la reprise ou l’éviction soit condamné à des dommages-intérêts punitifs.

Article 1968 du Code civil du Québec

Contrairement à la preuve qui doit être soumise lors d’une demande de reprise de logement où le locateur doit démontrer sa bonne foi, il appartient cette fois au locataire de faire la preuve de la mauvaise foi du locateur.

D’ailleurs, puisqu’un locateur comme tout autre personne est présumé être de bonne foi, la preuve de la mauvaise foi n’est pas facile.

Lupien c. Secco

Les Tribunaux ont d’ailleurs jugé que certains événements qui sont hors du contrôle du propriétaire n’était pas synonyme de mauvaise foi de sa part, comme par exemple :

Un mariage retardé ou annulé
Un logement trop délabré
Une maladie
Un décès
Une incapacité financière pour réaliser le projet
Lupien c. Secco

Voici un exemple concret lorsqu’un projet ayant mené à l’éviction tarde à se réaliser :

Le Tribunal retient que le projet du locateur stagne ou peut-être même s’enlise à cause des difficultés rencontrées, mais la preuve entendue ne permet pas de conclure de façon prépondérante à la mauvaise foi du locateur dans sa démarche. Et la bonne foi se présume.

Il n’y a pas de preuve d’intention malicieuse, de contournement de la loi, de prétexte pour atteindre un autre but, de négligence de la part du locateur.

Gingras c. 3104-2583 Québec inc.

Ainsi, pour que le Tribunal fasse droit à une demande du locataire pour éviction de mauvaise foi, une preuve de l’intention malicieuse, du contournement de la loi ou de prétexte du propriétaire pour atteindre un autre but, doit généralement être faite.

Ce qui fut le cas, dans une affaire où :

Aucune démarche significative n’a été effectuée auprès des autorités municipales afin de subdiviser le logement. Aucun permis n’a été émis et aucune demande n’a été prouvée par la locatrice. Elle a plutôt reloué le logement à fort prix ; une augmentation de plus de 60% selon la preuve.

Elle a clairement délibérément fait ce que la loi lui interdisait. Un tel geste doit être sanctionné, particulièrement dans le contexte actuel de crise du logement.

Audet c. Karmac ltée

Dommages punitifs

Quant à l’octroi de dommages punitifs en matière d’éviction, voici les principes applicables :

Les dommages punitifs visent à décourager les comportements sociaux répréhensibles qui ont pour effet de violer les droits et libertés fondamentaux d’autrui.

Ils ont également pour but d’exprimer la réprobation de la société d’une conduite intolérable et de prévenir une attitude semblable à l’avenir, autant pour le contrevenant que pour ceux qui seraient tentés de l’imiter. Ils visent donc à dissuader, donner l’exemple, réprimander, punir ou inciter à agir à l’avenir autrement.

[…] les tribunaux ont reconnu 3 fonctions aux dommages punitifs :

Une fonction préventive: le Tribunal veut « décourager le contrevenant de bafouer de nouveau les droits de la victime [et] donner une leçon aux autres citoyens désirant agir selon des plans similaires. »;

Une fonction punitive : il « permet au Tribunal d’exprimer concrètement son indignation face à la conduite du défendeur. »;

Une fonction incitative : « les dommages exemplaires étant octroyés à la victime en plus de ses dommages réels, cela a pour effet de l’inciter à effectuer les démarches nécessaires pour faire valoir ses droits devant les tribunaux, avec toutes les dépenses et les inconvénients que cela peut comporter. »

Audet c. Karmac ltée

Par ailleurs, certains éléments seront normalement évalués par le Tribunal dans son évaluation du montant a accorder à titre de dommages punitifs, à savoir :

Le niveau hiérarchique d’où a émané la conduite répréhensible
La motivation de la conduite répréhensible
La vulnérabilité du locataire (âge, situation financière, etc.)
Les avantages, bénéfices ou profits tirés par le locateur
L’impact chez le locataire
La durée de la conduite répréhensible
La conduite du locateur
Audet c. Karmac ltée

Lorsque l’éviction n’a pas lieu, finalement

La loi prévoit ce qui suit à ce sujet :

Lorsque le locateur n’exerce pas ses droits de reprise ou d’éviction à la date prévue, le bail est reconduit de plein droit, pour autant que le locataire continue d’occuper le logement et que le locateur y consente.

Le locateur peut alors, dans le mois de la date prévue pour la reprise ou l’éviction, s’adresser au tribunal pour faire fixer un nouveau loyer.

Le bail est aussi reconduit lorsque le tribunal refuse la demande de reprise ou d’éviction et que cette décision est rendue après l’expiration des délais prévus pour éviter la reconduction du bail ou pour modifier celui-ci.

Le locateur peut alors présenter au tribunal, dans le mois de la décision finale, une demande de fixation de loyer.

Article 1969 du Code civil du Québec

Relocation d’un logement suite à une éviction

La loi prévoit ce qui suit à ce sujet :

Un logement qui a fait l’objet d’une reprise ou d’une éviction ne peut être loué ou utilisé pour une fin autre que celle pour laquelle le droit a été exercé, sans que le tribunal l’autorise.

Si le tribunal autorise la location du logement, il en fixe le loyer.

Article 1970 du Code civil du Québec

Ainsi, un logement qui fait l’objet d’un changement d’affectation ne peut pas être reloué sans que le propriétaire obtienne une autorisation du Tribunal administratif du logement.

Koubanioudakis c. 5209 St-Denis inc.

La subdivision et l’agrandissement substantiel, ne nécessite pas, quant à eux, une autorisation du Tribunal pour la relocation.


Pour plus d’informations concernant la reprise de logement, veuillez consulter notre article sur le sujet.

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