Une personne est reconnue coupable d’avoir eu en sa possession une arme à feu prohibée et chargée, ainsi que de plusieurs autres infractions liées aux armes à feu.
Voyez quelle peine cette personne a reçue et comment le juge a fait pour déterminer cette peine.
Les faits :
Extrait de l’affaire : R. c. Burihabwa
Le 2 octobre 2022, des agents du SPVM sont en patrouille après la fermeture des bars. Après un bref échange avec l’accusé, ils apprennent qu’il fait l’objet d’un mandat d’arrestation.
Lorsqu’ils le localisent de nouveau dans la rue et l’informent de l’existence du mandat, il tente de s’enfuir.
Pendant la poursuite qui s’ensuit, il est vu jeter une arme à feu sur le sol. Il s’agit d’un pistolet semi-automatique Glock 43X de calibre 9mm Luger, contenant 8 cartouches.
Le rapport d’expertise révèle que l’arme est en condition de tir et que les cartouches sont fonctionnelles.
Les agents rattrapent très rapidement l’accusé et l’informent qu’il est en état d’arrestation pour possession d’une arme à feu prohibée.
Comme indiqué en détail dans le jugement sur la requête exclusion de preuve présentée par la défense, l’accusé s’est montré grossier et peu coopératif tout au long de son interaction avec les agents. Il est intéressant de noter qu’il est en possession d’une cagoule au moment de son arrestation.
Portrait de l’accusé
Antécédents judiciaires
Extrait de l’affaire : R. c. Burihabwa
L’accusé est âgé de 19 ans et il s’agit de ses premières condamnations en tant qu’adulte. Cependant, il a un long passé de jeune contrevenant.
Ses premières accusations remontent à l’âge de 14 ans lorsqu’il a été reconnu coupable d’intimidation.
Le 12 février 2018, il a été placé en probation pour une période de 9 mois et soumis à une ordonnance lui interdisant d’être en possession d’armes pour une période de 2 ans.
Toujours en 2018, l’accusé a été reconnu coupable de vol de moins de 5 000$.
En 2019, il a été reconnu coupable de voies de fait simples ainsi que de deux accusations d’entrave au travail des agents de la paix découlant de deux incidents différents.
En 2018 et 2019, il a plaidé coupable à 18 accusations de non-respect d’ordonnances judiciaires.
Tous ces chefs d’accusation lui ont valu des peines privatives de liberté allant de 30 à 120 jours.
La peine la plus importante prononcée à l’encontre de l’accusé a été imposée le 23 juillet 2020, date à laquelle il a été condamné à une peine de 30 mois pour avoir déchargé une arme à feu avec intention de blesser ou d’empêcher son arrestation, port d’une arme dissimulée, possession d’une arme à feu chargée et voies de fait graves.
Il a aussi été reconnu coupable de 4 violations d’ordonnances judiciaires. La peine comprenait une interdiction de détenir des armes à feu pendant une période de 10 ans.
Le casier judiciaire de l’accusé comporte aussi des accusations de liberté illégale, de voies de fait simples, d’entrave aux agents de la paix et d’agression armée.
La période précédant l’arrestation
Après avoir eu de nombreux démêlés avec la justice au cours de son adolescence, et suite à sa dernière condamnation, l’accusé avait quitté Montréal pour aller s’établit au Lac-Saint-Jean.
Il se sentait isolé et il avait de la difficulté à s’adapter à sa nouvelle vie. Si bien qu’il venait de revenir à Montréal pour un séjour de quelques jours avant son arrestation.
Réflexion de l’accusé sur l’incident et ses projets d’avenir
L’accusé est conscient qu’il se verra imposer une peine de prison. Il regrette ses gestes, et prendra des moyens pour éviter de se placer dans ce genre de situation à l’avenir.
À sa sortie de prison, il va suivre la formation qu’il devait débuter avant l’incident. Il croit que cela lui permettra de vivre une vie productive et d’éviter les ennuis.
La détermination de la peine en matière criminelle
Les principes généraux
Dans sa décision, le juge commence par faire un retour sur les principes généraux en matière de la détermination de la peine en matière criminelle.
Il rappelle d’abord que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant.
Ensuite, il énumère les objectifs recherchés par l’imposition d’une peine, soit :
- dénoncer le comportement illégal
- dissuader ce genre de comportement
- isoler au besoin les délinquants
- favoriser la réinsertion sociale des délinquants
- assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité
- susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité
Enfin, le juge énumère trois (3) autres principes qui doivent guider son analyse de la peine à imposer, soit :
- Les circonstances aggravantes et atténuantes
- L’imposition d’une peine semblable a celle imposée dans des cas similaires
- Éviter une peine de privation de liberté (prison) lorsque possible
Les principes applicables aux infractions liées aux armes à feu
Le juge souligne que la peine qui doit être imposée pour des infractions liées aux armes à feu doit avoir pour effet de dissuader la population de commettre ce genre de crime.
Elle doit aussi avoir pour effet de dénoncer ce genre de crime, comme étant inacceptable et intolérable dans notre société.
Au moment de déterminer la peine approprié pour la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte, le juge doit placer les infractions dans continuum de comportement.
Le comportement le plus grave est celui de la personne criminalisée qui, dans le cadre de ses activités criminelles, se rend dans un lieu public avec une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte. Les tribunaux réfèrent au concept de « vrais crimes » pour qualifier ces comportements.
Alors que le comportement moins grave est celui du propriétaire d’une arme à feu légale, qui est titulaire d’un permis en règle, mais qui entrepose son arme à feu de manière négligente ou non sécuritaire.
Par ailleurs, le juge souligne que les peines imposées pour la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte se situent généralement entre 18 mois et 3 ans de prison.
Par contre, dans le cas de récidivistes ou de délinquants dont la possession d’arme à feu est associée à une activité criminelle, on voit une tendance des tribunaux à travers le pays, à imposer des peines de plus en plus élevées.
Enfin, le juge souligne que la Ville de Montréal fait face à un problème inquiétant de crimes impliquant l’utilisation d’armes à feu, et qu’il peut prendre ça en considération dans la détermination de la peine de l’accusé.
La détermination de la peine de l’accusé
Le juge évalue d’abord la gravité de chacune des infractions commises par l’accusé par le biais des peines maximales pouvant être imposées pour ce genre de crime :
- Possession d’une arme à feu chargée (article 95(2) du Code criminel): un maximum de 10 ans d’emprisonnement
- Port d’une arme dissimulée (article 90(2) du Code criminel) : un maximum de 5 ans d’emprisonnement
- Entrave (article 129 du Code criminel) : un maximum de 2 ans d’emprisonnement
- Possession d’une arme à feu en violation d’une interdiction d’arme à feu (article 117.01(3) du Code criminel) : un maximum de 10 ans d’emprisonnement
Il dresse ensuite la liste des facteurs aggravants liés à l’accusé :
- L’accusé avait en sa possession une arme chargée facilement accessible, en public, dans une zone très achalandée, à la fermeture des bars
- Les antécédents judiciaires de l’accusé à la Chambre de la jeunesse et, surtout, la condamnation du 23 juillet 2020 en lien avec des armes à feu.
- Lors des infractions reprochées, conformément à l’article 42 (2) n) de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, l’accusé purgeait le dernier tiers d’une peine de 30 mois « sous surveillance au sein de la collectivité ».
- Le comportement post-délictuel de l’accusé qui a été non-collaboratif et insolent le long de l’intervention.
Enfin, il fait la liste des facteurs atténuants liés à l’accusé :
- À la suite du rejet de sa requête en exclusion de la preuve par le Tribunal, l’accusé a admis la preuve de la poursuite
- La conscientisation de l’accusé en ce qui a trait à la dangerosité de l’arme à feu chargée dont il était en possession, et ses remords en lien avec son comportement envers les policiers.
- Le jeune âge de l’accusé – 18 ans au moment de la perpétration des crimes, et 19 ans aujourd’hui.
- Son plan réaliste pour l’avenir et qu’il ait déjà prit des mesures concrètes pour le mettre en œuvre
Après avoir pris en considération l’ensemble de ces éléments, et après avoir souligné qu’il est dans l’intérêt de la société et de l’accusé d’encourager et de soutenir sa réinsertion et sa réhabilitation, il lui impose une peine globale de 36 mois de prison, suivi d’une probation de 3 ans.
Commentaires
Cette affaire nous permet de constater que les peines pour la possession d’une arme à feu prohibée ou à usage restreint sont sévères, et que ça ne risque pas de s’assouplir!
Elle nous a également permis de faire un survol des principes qui régissent la détermination de la peine en matière criminelle.
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Au plaisir.