Criminalité

Absolution inconditionnelle après une poursuite policière

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Une personne reconnue coupable de plusieurs infractions criminelles suite à une poursuite policière obtient une absolution inconditionnelle. Découvrez les détails de cette histoire fascinante et les principes qui régissent l’absolution en matière criminelle.

Les faits :

Extraits de l’affaire : R. c. Lord :

Le matin du 27 avril 2019,  la conjointe de l’accusé informe des policiers qu’elle est inquiète.

L’accusé lui a téléphoné et mentionné qu’il se rendait à l’Île d’Orléans pour voir ses enfants avant de s’enlever la vie.

Rapidement, l’accusé est localisé au volant de son véhicule. Un policier tente de l’intercepter en plaçant son véhicule devant celui de l’accusé à une intersection. L’accusé recule, fait demi-tour et part en sens inverse.

Des policiers voient la manœuvre et tentent aussi de l’intercepter. L’accusé s’enfuit. Il s’en suit une poursuite policière d’une dizaine de minutes dans les rues de la ville de Québec et sur une autoroute.

Durant sa fuite, l’accusé :

  • Grille un feu rouge et traverse une intersection alors qu’un véhicule ayant priorité s’apprête à le faire;
  • Tourne trop rapidement à une autre intersection, n’ajuste pas sa vitesse et percute un véhicule immobilisé devant un feu rouge;
  • Excède la limite de vitesse dans les rues d’un quartier résidentiel et emprunte la voie en sens inverse pour dépasser des véhicules;
  • Excède de 60 km/h la limite permise sur l’autoroute alors que la chaussée est mouillée et que les conditions climatiques appellent à la prudence;
  • Effectue plusieurs changements de voies sur l’autoroute et dépasse des véhicules par la droite;
  • Crève un pneu de son véhicule et continue sa route à environ 100 km/h en roulant sur la jante du pneu, rendant les manœuvres de contrôle du véhicule périlleuses;
  • Percute l’auto-patrouille et tente de la projeter dans la voie inverse où peuvent circuler d’autres véhicules;
  • Après une collision avec une autre auto-patrouille, il la pousse contre la glissière de protection de la route et il s’immobilise.

Les infractions criminelles

Au terme d’un procès, l’accusé est déclaré coupable de quatre (4) infractions criminelles, soit :

  1. Voies de fait armées (270.01 (1) du Code criminel)
  2. Conduite dangereuse (320.13 du Code criminel)
  3. Omission de s’arrêter suite à un accident (320.16 du Code criminel)
  4. Fuir les policiers (320.17 du Code criminel)

La demande d’absolution

Bien qu’il ait été déclaré coupable des infractions criminelles mentionnées précédemment, l’accusé demande une absolution inconditionnelle.

Il souhaite ainsi qu’aucune condamnation ne soit inscrite à ses antécédents criminels pour éviter de perdre son emploi.


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L’analyse du juge

Le juge qui doit décider de la peine a être imposé à l’accusé explique que :

L’absolution avec ou sans condition est la plus clémente des sanctions, mais ne constitue pas pour autant une mesure d’exception. Elle peut être ordonnée chaque fois que les conditions y donnent ouverture, et ce même à un individu qui a des antécédents judiciaires ou qui a déjà bénéficié d’une absolution.

Outre trois facteurs d’exclusion qui ne s’appliquent pas en l’espèce, le Tribunal peut l’ordonner s’il est démontré de façon prépondérante qu’il est dans l’intérêt véritable de l’accusé de recevoir une absolution et que cela ne nuit pas à l’intérêt public.

Facteurs d’exclusions

Les facteurs d’exclusions auxquels le juge fait référence, et qui empêchent à un accusé de demander une absolution sont :

  • Une condamnation pour un crime qui prévoit une peine minimale, comme la plupart des infractions liées à la pornographie juvénile
  • Une condamnation pour un crime passible d’une peine de 14 ans et plus d’emprisonnements, comme la plupart des infractions liées au terrorisme

Les 2 critères à évaluer

Afin de décider si l’accusé a droit à une absolution, le juge nous dit qu’il vérifie d’abord si l’intérêt véritable de l’accusée le justifie, et ensuite, si une telle absolution ne nuit pas à l’intérêt public.

L’intérêt véritable de l’accusé

Il explique que pour démontrer son intérêt véritable un accusé doit généralement remplir trois (3) conditions :

  1. Avoir une bonne moralité et, autant que possible, ne pas avoir d’antécédents judiciaires
  2. Avoir une condamnation à son dossier criminel n’est pas nécessaire pour le dissuader de commettre à nouveau un geste criminel
  3. Une condamnation entraînerait des conséquences particulièrement négatives pour l’accusé

Le juge ne parle pas de la bonne moralité de l’accusé, mais il discute des deux (2) autres conditions.

Concernant la prévention de la récidive, le juge conclut qu’il remplit cette condition de la manière suivante :

Rapidement après les événements, l’accusé a pris les moyens pour comprendre les raisons qui l’ont mené à adopter pour la première fois un comportement criminel et il s’est outillé afin de ne plus le reproduire.

Il a séjourné à l’hôpital et accepté des soins en psychiatrie. Ensuite, il a intégré une maison de thérapie afin de mieux contrôler son comportement envers autrui. Il connaît maintenant ses facteurs de risques et les ressources qui peuvent lui venir en aide si son état dépressif réapparaissait.

L’accusé exprime aussi que son incarcération à l’hôpital d’une durée de 47 jours l’a dissuadé de récidiver pour quelques comportements criminels que ce soit. Il ne désire aucunement retourner en détention.

Concernant la dernière condition, soit le fait qu’une condamnation entraînerait des conséquences particulièrement négatives pour l’accusé.

Le juge rappelle, d’abord le principe selon lequel l’accusé doit simplement établir une possibilité de préjudice professionnel pour démontrer son intérêt véritable à obtenir une absolution.

Il juge que l’accusé remplit cette condition puisque son contrat de travail prévoit la possibilité de mettre fin à son emploi sans avis et sans indemnité s’il est reconnu coupable d’un acte criminel.

Il ajoute qu’une condamnation l’empêcherait d’effectuer des voyages aux États-Unis pour assister à certaines formations qui pourraient lui être utiles dans le cadre de son emploi, et qu’elle l’empêcherait de pouvoir signer des contrats avec le gouvernement.

Dans cette affaire, l’accusé est un arpenteur-géomètre qui pourrait être appelé à signer des contrats avec le gouvernement.

L’absolution ne nuit pas à l’intérêt public

Le deuxième critère que le juge doit évaluer pour décider si l’accusé mérite une absolution est qu’une telle absolution ne doit pas nuire à l’intérêt public.

Dans l’analyse de ce critère, le juge doit prendre en considération :

  • L’objectif de dissuasion générale que la peine doit avoir
  • La gravité de l’infraction
  • L’incidence de l’infraction sur la communauté
  • L’attitude du public à l’égard de l’infraction
  • La confiance du public dans le système judiciaire qui doit être préservée

Concernant l’objectif de dissuasion générale, il considère que les 70 jours pendant lesquels l’accusé est demeuré en détention provisoire permettent de remplir ce critère.

Concernant l’application des autres critères à l’accusé, le juge rappelle que les infractions criminelles qui concernent la conduite d’un véhicule à moteur sont très graves, qu’elles font de nombreuses victimes chaque année, et qu’elles brisent de nombreuses vies.

Pour ces raisons, les tribunaux imposent généralement de lourdes peines pour les infractions comme celles commises par l’accusé.

Par contre, il explique également que la peine imposée ne doit pas être vengeresse, mais qu’elle doit :

correspondre à la personnalité de l’accusé et à sa capacité de s’amender, de comprendre les raisons de son passage à l’acte pour ne plus reproduire ces comportements et, ainsi, assurer ultimement la protection de la société.

Et il conclut que l’absolution de l’accusé ne nuirait pas à l’intérêt public de la manière suivante :

Un public bien informé de la situation de l’accusé retiendra qu’il est autrement sans histoire et vivait difficilement sa rupture conjugale.

Il avait décidé de mettre fin à ses jours et voulait voir ses enfants une dernière fois avant de s’enlever la vie.

Il désirait se rendre à l’Île d’Orléans et a pris des moyens criminels pour y parvenir.

Heureusement, les infractions n’ont blessé personne.

Des dommages importants ont été commis à 4 véhicules dont 2 auto-patrouilles.

La séquence criminelle a duré environ 11 minutes et s’est soldée par l’arrestation de l’accusé qui a été conduit à l’hôpital, d’abord à l’urgence et ensuite, au département de psychiatrie de l’hôpital où il a été détenu.

Finalement, le juge décide que l’accusé peut bénéficier d’une absolution inconditionnelle puisque :

l’accusé est rétabli, qu’il n’a pas besoin pour l’instant d’aides particulières et que si cela s’avérait nécessaire, il offre des garanties suffisantes qu’il consultera des intervenants responsables qui l’ont récemment aidé.

Rappelons également que l’aspect dissuasif de la peine est aussi rencontré par la privation de liberté déjà imposée.


Commentaires

Cette affaire nous a permis de faire un retour sur les principes entourant l’absolution inconditionnelle. Évidemment, chaque cas est différent, mais vous pourriez vous aussi avoir droit à une absolution inconditionnelle. Si vous désirez que nous analysions votre dossier sous cet angle, veuillez nous contacter en remplissant notre formulaire de contact.

Au plaisir.


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