Le divorce ou la séparation d’un couple qui a des enfants peut être la source de nombreux conflits.
Le choix de l’école d’un enfant qui passe du primaire au secondaire en est un bon exemple.
La source des conflits liés au choix de l’école peut être lié à la réputation de l’école, à son emplacement, ou à toute sorte de raison qui sont propres aux parents.
Lorsque les parents n’arrivent pas à s’entendre, leur seule option demeure le recours aux tribunaux.
Heureusement, les tribunaux ont le pouvoir et les outils qui leurs permettent de régler ce type de conflit.
Voici une décision récente qui illustre bien comment on choisit l’école après un divorce ou une séparation en cas de conflit.
L’origine du conflit sur le choix de l’école
Cette affaire concerne le choix de l’école d’un enfant dont les parents sont en instance de divorce et qui termine sa sixième année du primaire.
Voici un résumé de la position de la mère, du père et de l’enfant quant au choix de l’école.
La mère
La mère souhaite que son enfant puisse poursuivre ses études secondaires dans la même école où il termine ses études primaires.
Son principal argument est qu’elle souhaite respecter le choix de son enfant qui désir demeurer dans cette école.
Le père
Le père refuse que son enfant continu de fréquenter la même école à cause de son potentiel intellectuel et de la mauvaise réputation de l’école.
Il explique que l’école qu’il souhaite que son enfant fréquente a une meilleure réputation, un meilleur classement, elle est plus proche de son domicile et de celui de la mère, elle est mieux desservie par les transport en commun, elle offre plus d’activité sportive, et finalement la demi-sœur de l’enfant fréquente cette école.
L’enfant
L’enfant ne comprend pas pourquoi son père ne souhaite pas respecter son choix et ça l’angoisse beaucoup. La situation lui a d’ailleurs causé des problèmes psychologiques.
Voici les arguments de l’enfant pour justifier son choix d’école :
- C’est un environnement qu’il connaît bien puisqu’il fréquente cette école depuis la maternelle
- C’est l’école que sa sœur a fréquenté
- Plusieurs de ses amis fréquenteront cette école au secondaire
- Lors de la visite, il a trouvé les professeurs très gentils
- L’école est petite, il s’y sent bien
- Il a eu de bonnes notes au primaire, à cette école
- Il souhaite participer à l’activité de cheerleading qu’offre l’école
Les principes qui guide le tribunal dans le choix de l’école
Le tribunal rappel d’abord le principe qui gouverne les décisions concernant un enfant :
Toute décision concernant un enfant doit être prise dans son meilleur intérêt, en tenant compte de ses besoins moraux, intellectuels, affectifs et physiques, ainsi que de son âge, sa santé, son caractère, son milieu familial et les autres aspects de sa situation.
Il souligne ensuite qu’à partir d’un certain âge, c’est normalement le choix de l’enfant qui prime :
[…] le désir d’un enfant de 12 ou 13 ans quant à la fréquentation d’une école a le plus souvent une valeur déterminante ou quasi-déterminante.
Ce n’est que lorsque la preuve révèle que le choix d’un enfant de cet âge est le résultat de pressions indues, d’un conflit de loyauté ou d’aliénation parentale, ou encore qu’il est fondé sur des raisons de gratification immédiate ou qu’il paraît autrement irréaliste, que les tribunaux peuvent mettre de côté le désir exprimé un enfant de cet âge…
La décision sur le choix de l’école
Dans le cadre du présent dossier, le tribunal considère que l’enfant a très clairement exprimé son choix et que celui-ci semble rationnel.
Il ne croit pas que c’est la mère qui impose ce choix contrairement à ce que le père prétend.
Par ailleurs, à son avis, les arguments du père ne permettent pas de mettre de côté le désir clairement exprimé par l’enfant qui aura bientôt 12 ans.
Voici un extrait de la décision qui explicite la position du tribunal :
Veuillez noter que le nom de l’école et de l’enfant ne sont pas divulgués pour protéger l’identité de l’enfant
La principale raison invoquée par Monsieur est le fait que le Collège A a une meilleure cote que l’école secondaire [l’École A] selon le palmarès 2020 publié par le Fraser Institute. Selon ce palmarès, le Collège A est coté au 17ème rang sur 469 écoles répertoriées, alors que [l’École A] se trouve au 133ème rang. Selon Monsieur, le potentiel intellectuel de X serait donc mieux exploité au Collège A.
Par ailleurs, Monsieur estime que, dans la mesure où Z, la demi-sœur de X, fréquente le Collège A, cela serait de nature à permettre une meilleure intégration de X au secondaire, Z pouvant alors veiller sur elle. Enfin, Monsieur indique que le Collège A met l’accent sur les activités sportives, ce qui est important pour lui.
Dans les présentes circonstances, et notamment à la lumière des moments difficiles ayant été vécus par l’enfant l’automne dernier, ces raisons ne font pas le poids devant le désir de l’enfant. Celle-ci souhaite poursuivre ses études secondaires dans un milieu qu’elle connaît, qui la rassure et où elle a des amies.
Dans le contexte où il s’agit d’une enfant qui peut facilement devenir anxieuse, il s’agit là d’un élément qui paraît fondamental lorsqu’on considère ce qui est dans son meilleur intérêt. J’ajoute que [l’École A] offre le programme international, ce qui ouvre des portes et stimule les enfants ayant un fort potentiel intellectuel.
En ce qui concerne les activités sportives, je souligne que X est clairement intéressée par le programme de « cheerleading » de [l’École A] et que rien ne permet de penser que la fréquentation de cette école signifierait la fin de toute activité physique de l’enfant, comme semble le croire Monsieur.
Enfin, X est parfaitement au courant que sa demi-sœur fréquente le Collège A et elle désire quand même aller à [l’École A], qui est pour elle un milieu plus rassurant, tel que mentionné ci-dessus, notamment parce qu’il s’agit d’une école qui n’admet que des filles.
Dans les présentes circonstances, la fréquentation de [l’École A] est indiscutablement un important facteur de stabilité pour l’enfant, ce que cette dernière exprime clairement elle-même. Il s’agit d’un milieu où elle a bien réussi et qu’elle connaît bien, ce qui la rassure, et où elle aura des amies, ce qui la conforte également. Ce facteur de stabilité revêt ici un très grand poids, précisément en raison des difficultés psychologiques vécues par l’enfant au cours de la dernière année.
Bien que Monsieur ait raison de dire que « la vie ce n’est pas toujours facile », il ne semble pas approprié dans les présentes circonstances de bousculer X avec un choix d’école dont elle ne veut pas, au motif que cette école est mieux « cotée » et que sa sœur la fréquente.
Conclusion
Ce qu’il faut retenir de cette affaire, c’est qu’à partir de 11, 12 ou 13 ans, donc à l’âge ou un enfant quitte le primaire pour le secondaire, son désir doit primer sur celui des parents dans le choix de l’école, lorsqu’il est assez mature pour manifester son choix et qu’il ne subit pas de pression indue de la part de l’un ou l’autre des parents.