Il est écrit avis diffamatoire et 9000 $ et il y a un avis en arrière-plan et une femme qui fait le signe d'argent avec ses mains en avant-plan

Un client mécontent est condamné à verser 9 000 $ à une entreprise après avoir écrit un avis diffamatoire sur sa page Google. Voici les détails de cette affaire.

L’avis diffamatoire

Un client contacte une compagnie pour le remplacement des installations septiques de sa maison. Après quelques échanges, ils n’arrivent pas à s’entendre sur le prix des travaux, et le client décide de faire affaire avec une autre compagnie. Dans la foulée, il laisse un avis sur la page Google de l’entreprise avec qui il a tenté de négocier un prix sans succès. Voici l’avis en question :

reproduction d'un avis sur Google mon entreprise jugé diffamatoire par le Tribunal
il est écrit besoin d'un avocat et il y a un avocat avec une toge en arrière-plan

Le droit

Comme nous l’expliquons plus en détail dans notre texte : Exemples de diffamation et d’atteinte à la réputation, le juge revient d’abord les lois qui protègent contre la diffamation au Québec.

Il précise d’ailleurs que les entreprises ont droit au respect de leurs réputations, tout autant que les personnes en chair et en os, et qu’ils peuvent recevoir un montant d’argent si la diffamation est confirmée.

Il rappel ensuite que la Cour suprême du Canada définit la diffamation comment étant :

la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables

Prud’homme c. Prud’homme

Enfin, le juge explique que la diffamation est souvent en confrontation avec d’autres droits comme la liberté d’expression :

Dans l’étude de propos dont on allègue le caractère diffamatoire, le Tribunal doit demeurer attentif à l’équilibre qui doit prévaloir entre d’une part les droits fondamentaux susmentionnés, soit ceux à la protection de la dignité, de l’honneur et de la réputation et au respect du nom, et d’autre part d’autres libertés fondamentales garanties notamment par la Charte québécoise, à savoir les libertés de conscience, d’opinion et d’expression.

Comme le souligne la Cour suprême : « [l]a liberté d’expression n’est [. . .] pas absolue. Elle est limitée notamment par le droit en matière de diffamation, qui protège la réputation personnelle contre les attaques injustifiées. Les règles relatives à la diffamation n’interdisent pas aux gens de s’exprimer. Elles posent simplement que quiconque porte atteinte à la réputation d’autrui pourra être tenu de réparer le tort causé. »

La décision

L’avis est-il diffamatoire ?

Afin de décider du caractère diffamatoire de l’avis Google du client, le juge analyse attentivement cinq (5) passages.

 « il m’ont fait une soumission sommaire gonfler pour la banque »

Ce passage n’est pas considéré diffamatoire. De l’avis du juge, l’emploi du terme « gonfler » peut avoir été employé par la compagnie lors des échanges dans le but de faciliter le financement des travaux par le client.

« il y a extra par dessus extra… et la facture était plus chère que la soumission GONFLER »

Ces propos sont considérés diffamatoires. Selon le juge :

il ne peut être question d’extra puisque le Contrat est résilié avant même sa mise en œuvre et l’ouvrage envisagé n’est jamais entrepris. [. . .]

Nous sommes donc ici en présence de propos désagréables que tient le défendeur à l’égard de demanderesse en les sachant faux. De tels propos sont tenus avec l’intention de nuire à autrui. Conséquemment, ils sont diffamatoires.

 « ils ont préféré tout simplement brisé un contrat signé avec dépôt par message texte et de ne pu donner de nouvelles!!! »

Ces propos sont considérés diffamatoires. C’est le client qui a résilié le contrat et il n’y pas eu de dépôt! Selon le juge, le client :

ne peut ignorer que cette portion du passage peut être interprétée par un lecteur de la Publication comme insinuant que la demanderesse néglige sérieusement ses obligations contractuelles, puisqu’elle est susceptible de rompre un contrat même lorsqu’un acompte a été déboursé.

  « je vois un gros manque de professionaliste et de respect envers le client »

Ces propos ne sont pas considérés diffamatoires. Selon le juge, le client a écrit ces propos car il croyait que c’était la compagnie qui avait mis fin au contrat de manière inattendue.

« la morale de cette histoire si vous voulez pas vous faire fourrer par cette compagnie faite vous faire d’autre soumission par exemple CRETE EXCAVATION INC. »

Ces propos sont considérés diffamatoires, voici les explications du juge à ce sujet :

Premièrement, rien dans la preuve au dossier ne permet d’inférer que la demanderesse ait cherché à arnaquer (ou abuser de) qui que ce soit, le défendeur compris.

Deuxièmement, si tant est que le défendeur tentait honnêtement de mettre ses concitoyens en garde contre des agissements de la demanderesse, il aurait à tout le moins décrit succinctement en quoi ces agissements lui paraissaient constitutifs d’une arnaque.

C’est ainsi qu’une personne raisonnable, avisée, diligente et attentive aux droits d’autrui se serait comportée. En l’occurrence, le défendeur se contente d’une affirmation lapidaire qui porte gravement atteinte à la réputation de la demanderesse, sans toutefois publier le moindre motif donnant à penser que la demanderesse est susceptible d’arnaquer ses clients.

Troisièmement, la mention du nom d’une entreprise qui se trouve directement en concurrence avec la demanderesse, dans la même région et pour les mêmes services, illustre la volonté du défendeur de nuire à la demanderesse.

Enfin, le défendeur témoigne du fait qu’il regrette avoir publié ces mots. Si son objectif en les publiant était noble et répondait à un impératif de « devoir citoyen », pourquoi alors les regrette-t-il ?

La réponse s’impose d’elle-même : parce que le défendeur sait que ce passage de sa Publication est diffamatoire et porte atteinte à la réputation de la demanderesse.

Les dommages

Pour évaluer les dommages à accorder à l’entreprise, le juge prend en considération les facteurs suivants :

la publication des Passages Diffamatoires sur internet, un forum à très large portée
les attributs de la personnalité de la demanderesse visés par les Passages Diffamatoires, à savoir son honnêteté, son intégrité et sa fiabilité, éléments essentiels de la réputation et du succès commercial d’une entreprise
le refus injustifié du défendeur de supprimer, voire même de seulement contextualiser ou tempérer, les Passages Diffamatoires
la longue durée de publication des Passages Diffamatoires, conséquence de ce refus injustifié
les pertes de temps et inconvénients relatifs aux démarches de suppression résultant de ce refus injustifié
la mauvaise foi avérée avec laquelle le défendeur publie des propos qu’il sait être faux
le caractère grossier et offensant de certains termes employés par le défendeur dans les Passages Diffamatoires
Absence complète de remords et d’excuses.

Une somme de 7 000 $ est accordée à titre de dommages moraux, et une somme supplémentaire de 2 000 $ à titre de dommages punitifs, dans le but de dissuader le client d’écrire des propos diffamatoires dans le futur.

Conclusion

Cette affaire traite des dommages qu’une compagnie peut obtenir lorsqu’un client écrit un avis diffamatoire sur Google. D’autres affaires traitent de la demande de retrait d’avis diffamatoires, faux ou mensongers. Si ce sujet vous intéresse, consulter notre publication : Comment forcer Google à retirer un avis diffamatoire ?